La prévention des troubles digestifs est un enjeu majeur dans la préparation des athlètes pour une course. Comprendre les causes de ces troubles, les expliquer, et trouver des solutions pour les éviter est essentiel. Cet article se penche sur ces aspects. Mais avant cela, quelques chiffres pour souligner l'importance de cette problématique.
Selon une étude menée par Hoffman sur la Western States Endurance Run (162 km avec 5370 m de dénivelé positif), une célèbre course de trail aux États-Unis, 96% des athlètes ont ressenti des douleurs gastro-intestinales durant la course. Parmi eux, 44% ont déclaré que ces douleurs avaient perturbé leur performance et environ 36% ont dû abandonner à cause de ces troubles digestifs (Forestier, 2023).
Un autre exemple vient de l'UTMB (Ultra-Trail du Mont-Blanc) où, sur 2500 coureurs, 800 n'ont pas terminé la course. Les trois principales causes d'abandon sont, en premier lieu, les troubles gastriques, suivis des difficultés musculaires et des problèmes tendineux. Cela montre que l'alimentation et les problèmes gastro-intestinaux sont des facteurs majeurs influençant la performance sur une course de longue distance (Forestier, 2023).
Quelles sont les causes de ces désagréments digestifs ? Quels sont les facteurs ?Trois mécanismes principaux peuvent expliquer les troubles digestifs chez les athlètes d'endurance et d'ultra-endurance : les causes mécaniques, fonctionnelles et nutritionnelles (Simon Benoit, 2018 ; Pascal Balducci, 2016).
- Causes mécaniques : Les chocs répétés subis par le tube digestif (rebond des organes) ou la posture de course et/ou sur le vélo peuvent comprimer le tube digestif pendant l’effort. Ces vibrations et impacts endommagent la paroi intestinale, provoquant des inconforts intestinaux. Il est donc préférable de ne pas consommer trop d'eau et de nutrition avant une grande descente en trail, moment où les vibrations et impacts sont les plus importants.
- Causes fonctionnelles : Ces causes sont directement liées à l'effort. Durant l’effort, l'afflux sanguin est dirigé vers les muscles et non vers le système digestif, rendant son travail plus laborieux. Ce phénomène, appelé ischémie d’effort, est suivi, en phase post-effort, par un retour rapide du sang vers l’intestin. Le sang, chargé en déchets accumulés pendant l'effort, peut générer des radicaux libres et un stress oxydatif, provoquant des inflammations et des troubles digestifs post-course. Il est donc recommandé de revenir au calme progressivement, plutôt que de passer directement d’un effort intense à un repos statique, afin de permettre à l’organisme de baisser en température de manière progressive et de diminuer cet effet sur le système gastro-intestinal.
- Causes nutritionnelles : Les troubles digestifs sont souvent provoqués par une mauvaise gestion nutritionnelle avant, pendant, et après la course. Une alimentation pré-course riche en lipides, en fibres, ou en grandes quantités peut assurer la présence de troubles digestifs pendant la course. La consommation de gels énergétiques et de boissons d’effort doit être soigneusement gérée, car ces produits sont souvent très riches en glucides. Un gradient osmotique élevé résultant de leur consommation peut entraîner le passage de l’eau dans le tube digestif, causant des crampes ou des ballonnements plus ou moins sévères.
La nutrition est donc un élément clé pour minimiser les risques de troubles digestifs à l’effort. Une préparation optimale et individualisée peut être mise en place pour chaque athlète afin de réduire ces risques.
D’autres causes peuvent également être responsable des troubles digestifs tels que :
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La déshydratation : La déshydratation exacerbe le phénomène d’ischémie intestinale mentionné précédemment en raison d'une concentration excessive de glucides dans l'intestin et d'un manque d'eau pour rééquilibrer l’organisme. De plus, la déshydratation peut entraîner une distension de l’estomac, provoquant des ballonnements. L’hyponatrémie, c’est-à-dire un excès d’eau par rapport à la concentration en sodium dans les cellules, peut causer d'importants maux d’estomac pendant une épreuve. Il est donc crucial d'écouter les signaux de soif et de s'hydrater régulièrement en petites quantités, en visant entre 400 et 800 mL d'eau par heure selon l’effort, sa durée et son intensité.
- Le stress : Le stress mental et physique avant l’épreuve peut détériorer l’état de forme de l’organisme et nuire à la performance. Il est essentiel d’apprendre à gérer le stress lié aux échéances et aux événements pour rester aussi calme que possible, ce qui favorisera une meilleure performance.
- Écouter son corps : Il est crucial de prêter attention aux signaux du corps afin de s'adapter aux conditions durant la course. Tous les athlètes d’ultra-endurance attestent que chaque épreuve est une opportunité d'apprendre à mieux se connaître, à accepter ses forces et ses faiblesses, et à activer les leviers nécessaires pour améliorer les performances au fil des courses et des entraînements.
L'entraînement du système digestif est indispensable, car les troubles digestifs sont la principale cause d’abandon en compétition. Aucun plan alimentaire n'est universel, il doit être individualisé. Il est crucial de comprendre comment entraîner son propre organisme, ce que nous allons détailler ici. Expérimenter et répéter une routine alimentaire pendant l'entraînement permet de trouver ce qui convient à son corps. Il est essentiel de ne jamais tester de nouveaux aliments le jour de la course (Simon Benoit, 2018).
Le premier facteur d'une stratégie nutritionnelle efficace est une alimentation riche en bonnes sources énergétiques les semaines précédant la course. Ce processus, appelé "gut training" ou "entraînement de l’intestin", doit commencer environ trois semaines avant l’événement, et non pas la veille. Le but est d’améliorer la vitesse d’absorption des glucides pendant l’entraînement pour être capable d’ingérer de grandes quantités de glucides durant l’effort, optimisant ainsi les performances.
Méthodologies de gut training : (Jeukendrup, 2017 ; Costa et al., 2017)- Entraîner son estomac avec de grands volumes de liquide et augmenter la vitesse de vidange gastrique.
- S'entraîner directement après un repas.
- S'entraîner avec des apports élevés de glucides exogènes pendant l’exercice.
- Augmenter les apports glucidiques dans son alimentation quotidienne.
Les abandons sont souvent dus à l’ingestion de glucides à haut index glycémique, bloquant la vidange gastrique. La capacité d’absorption des glucides par heure est de 60g de glucose et 30g de fructose. Un ratio fructose-glucose de 1,2:1 est recommandé pour améliorer les performances (Wilson, 2017). Tester la nutrition pendant les entraînements, dans différentes conditions environnementales (températures, altitudes, taux d’humidité), est essentiel. Les conditions extrêmes fragilisent encore plus les intestins.
Quelques éléments supplémentaires pour les cyclistes (Triathlon) :
La déshydratation non compensée impacte la cadence de pédalage et l'état général du cycliste. Pour éviter ce problème, le cycliste doit évaluer ses pertes hydriques au cours des entraînements sous différentes températures et intensités afin de définir la bonne stratégie nutritionnelle et d'hydratation (Florentin, 2021).
Tenir un journal alimentaire en parallèle des séances d’entraînement est très utile. Enregistrer vos essais nutritionnels et vos ressentis digestifs, gustatifs, etc., vous aidera à ajuster votre plan au fil du temps. Ces expérimentations garantissent des ravitaillements appropriés au bon moment et dans les bonnes quantités. Apprendre à boire et manger sur des parcours exigeants est nécessaire pour répondre aux réactions spécifiques de votre organisme. Il est crucial de déterminer ce que votre corps est capable d'absorber.
Petits tips :
- Respecter le temps de digestion : Prenez un repas au moins 3 heures avant l’effort. Si les aliments sont faciles à digérer, 2 heures peuvent suffire.
- Choix d’aliments appropriés : Limitez les fibres, les graisses, et les aliments irritants (comme l’excès de poivre ou de moutarde).
- Évitez les repas trop copieux pour favoriser un confort intestinal maximal.
- Éviter la caféine pour les intestins sensibles : Bien que la caféine puisse améliorer les performances, elle peut irriter les intestins, surtout à jeun. Pour les personnes sensibles, il est préférable de l’éviter pour prévenir toute irritation intestinale.
Références :
COSTA, Ricardo J. S., MIALL, Atlanta, KHOO, Anthony, RAUCH, Christopher, SNIPE, Rhiannon, CAMÕES-COSTA, Vera et GIBSON, Peter, 2017. Gut-training: the impact of two weeks repetitive gut-challenge during exercise on gastrointestinal status, glucose availability, fuel kinetics, and running performance. Applied Physiology, Nutrition, and Metabolism = Physiologie Appliquée, Nutrition Et Metabolisme. mai 2017. Vol. 42, n° 5, pp. 547 、557. DOI 10.1139/apnm-2016-0453.
FLORENTIN, 2021. Digestion et troubles digestifs en triathlon : les erreurs à ne pas faire ! Opentri.fr - Débuter, progresser & performer en triathlon ! [en ligne]. 18 février 2021. [Consulté le 11 mars 2024]. Disponible à l’adresse : https://www.opentri.fr/troubles-digestifs-triathlon/
FORESTIER, Cyril, 2023. Comment éviter les troubles intestinaux en trail ? - Courir mieux - Le blog. Courir Mieux.[en ligne]. 7 mai 2023. [Consulté le 11 mars 2024]. Disponible à l’adresse : https://courir-mieux.fr/eviter-troubles-intestinaux-trail/
HEW‐BUTLER, T D, SHARWOOD, K, COLLINS, M, SPEEDY, D et NOAKES, T, 2006. Sodium supplementation is not required to maintain serum sodium concentrations during an Ironman triathlon. British Journal of Sports Medicine. mars 2006. Vol. 40, n° 3, pp. 255‑259. DOI 10.1136/bjsm.2005.022418.
HUMANS.TXT, [sans date]. Les troubles gastro-intestinaux - Blog. La Clinique Du Coureur [en ligne]. [Consulté le 11 mars 2024]. Disponible à l’adresse : https://lacliniqueducoureur.com/coureurs/blogue/archives/les-troubles-gastro-intestinaux/
JEUKENDRUP, Asker E., 2017. Training the Gut for Athletes. Sports Medicine (Auckland, N.Z.). mars 2017. Vol. 47, n° Suppl 1, pp. 101‑110. DOI 10.1007/s40279-017-0690-6.
PASCAL BALDUCCI, 2016. Ultra Trail : comprendre les abandons pour mieux éviter leurs écueils. Lepape-Info[en ligne]. 12 juin 2016. [Consulté le 11 mars 2024]. Disponible à l’adresse : https://www.lepape-info.com/entrainement/entrainement-running/progresser/ultra-trail-comprendre-les-abandons-pour-mieux-eviter-leur-ecueil/
SIMON BENOIT, 2018. Évitez l’enfer des catastrophes intestinales en course - Distances+. [en ligne]. 15 octobre 2018. [Consulté le 11 mars 2024]. Disponible à l’adresse : https://distances.plus/sante/catastrophes-intestinales/