Nous avons tous entendu dire que le meilleur remède pour la récupération était de dormir. Alors, nous allons voir en quoi le sommeil est important pour la récupération et in fine la performance ? Comment fonctionne le sommeil ? Quels sont les facteurs qui impactent positivement ou négativement la qualité du sommeil?
Tout d'abord, comprenons comment fonctionne le cycle du sommeilLe sommeil n’est pas une période linéaire mais composé de multiples cycles successifs, environ 4-6 qui s'enchaînent correspondant à une activité cérébrale précise. Chacun de ses cycles ont une durée d’environ 90 minutes. (Le Meur et al., 2013). Un cycle est composé de plusieurs étapes :
- Éveil calme
- Sommeil lent
- Sommeil paradoxal
- Phase intermédiaire
- Cycle suivant ou éveil
Le sommeil lent
Le sommeil lent, également connu sous le nom de sommeil non-REM, se divise en plusieurs phases avec une alternance de sommeil léger et de sommeil profond. La première phase est le sommeil lent léger, aussi appelée phase d'endormissement, où l'activité cérébrale commence à ralentir et à s'apaiser. Cette phase constitue environ la moitié du temps de sommeil total. Ensuite, il y a les étapes de sommeil lent profond, qui peuvent durer plusieurs dizaines de minutes lorsque le sommeil est de bonne qualité. Ces phases de sommeil profond sont cruciales pour la récupération physique et représentent environ 25% du sommeil total (Le Meur et al., 2013).
Le sommeil paradoxal
Le sommeil paradoxal, également connu sous le nom de REM (Rapid Eye Movement), se situe entre les phases de rêves et l'éveil, intervenant environ 60 à 75 minutes après l'étape de sommeil profond. Durant cette phase, l'activité cérébrale redevient plus active, très proche de celle observée pendant l'éveil, tandis que le corps reste très calme en raison d'un relâchement musculaire total. C'est au cours de cette phase que les rêves se produisent et que nous sommes capables de nous en souvenir. En moyenne, cette phase dure entre 15 et 20 minutes par cycle, représentant environ 20% du sommeil total.
Les cycles profonds sont les phases où la récupération est la plus optimum
C’est durant la phase de sommeil paradoxal que les hormones de croissance interviennent pour régénérer les tissus cellulaires, notamment en contribuant à la construction musculaire. Cette régénération est également facilitée par l'inactivité totale des muscles, permettant l'élimination des déchets et des toxines accumulées par l’organisme.
En réalité, le quota d'heures de sommeil varie considérablement d'une personne à une autre, allant de 6 heures à 9-10 heures par nuit. Bien qu'il n'y ait pas de vérité absolue, une moyenne de 7 à 8 heures semble généralement indispensable pour une bonne récupération, à condition que ce sommeil soit de bonne qualité.
Il est plus important de s’intéresser à l'amplitude de son propre rythme circadien, c’est-à-dire à son cycle veille-sommeil (la durée du sommeil et de l’éveil). Ce cycle correspond à l'horloge interne de notre organisme, qui peut évoluer en fonction de l'âge, du mode de vie et de l'activité physique pratiquée. Il existe une corrélation entre l'activité physique et le rythme veille-sommeil. L'exercice physique stimule le corps de manière similaire à une exposition à une lumière de haute intensité, favorisant ainsi une augmentation de la durée d’éveil.
De plus, une étude récente sur le système nerveux autonome pendant le sommeil a montré qu'un exercice intense pratiqué tard dans la soirée ne perturbe pas la qualité du sommeil, remettant en cause certaines croyances sur l'effet nocif de l'exercice en soirée sur le sommeil. Cependant, il a été observé que la pratique d'un exercice physique à haute intensité tend à augmenter la durée des éveils nocturnes (Médecine du sport, 2022).
Il n'a pas été prouvé scientifiquement que se coucher après minuit contribue à un sommeil de moins bonne qualité comparé à une personne se couchant à 21h. Ce qui importe, c'est que chaque individu puisse remplir son quota d'heures de sommeil nécessaire pour bien récupérer, même si cela implique de se coucher après minuit.
L'aspect le plus crucial reste la régularité dans la durée et le cycle horaire du sommeil. Plus un individu se couche et se réveille à des horaires fixes, plus le corps développe une habitude favorable à la qualité du sommeil.
Des difficultés de sommeil présentent chez les athlètes, quelles incidences ?Les cycles de sommeil peuvent être irréguliers et non réparateurs, entraînant des difficultés à s’endormir, des réveils nocturnes, etc. L’horloge interne peut également être perturbée par des facteurs tels que le décalage horaire ou le manque d’exposition à la lumière du jour. Les troubles du sommeil sont souvent des marqueurs de l’anxiété, et l’insomnie chronique est associée à une augmentation de l’état d’éveil. Le type de sport, son intensité et la nutrition peuvent aussi influencer la qualité du sommeil (Esteves et al., 2009).
Des nuits trop courtes peuvent entraîner divers risques tels que des troubles de l’humeur, de l’attention, de la vigilance, et à moyen terme, une irritabilité ainsi qu’une diminution de l’efficacité intellectuelle et de l’apprentissage, qui peuvent être à la fois physiques et intellectuelles.
Le sommeil est particulièrement difficile à trouver après une séance intense, un déplacement pour des compétitions, ou les veilles et lendemains de compétitions, où le corps reste en éveil. Les athlètes peuvent éprouver plus ou moins d’anxiété, ce qui influence négativement la qualité du sommeil. Cela peut se traduire par des perturbations du cycle de sommeil, avec des insomnies allant de modérées à totales. Le manque de sommeil pendant une phase d'entraînement avec des volumes importants peut entraîner des risques de surmenage et une altération des performances (Médecine du sport, 2022).
Par exemple, une diminution du temps de sommeil due à un coucher tardif ou à un réveil précoce peut dégrader le niveau de performance aérobie après seulement deux jours de perturbation du sommeil de l'athlète (Mougin et al., 2001). La détérioration de la performance aérobie en situation de privation de sommeil pourrait être liée à une tolérance plus faible à l’exercice, avec une perception de l’effort plus élevée en cas de manque de sommeil par rapport à une nuit de bonne qualité.
D'un point de vue métabolique, le sommeil joue un rôle crucial dans la récupération énergétique. Il a été démontré (par des nutritionnistes, chercheurs Skein et al.) qu’une nuit blanche détériore les réserves musculaires en glycogène, même si l'organisme a reçu les apports nécessaires. La perturbation du sommeil pendant des phases d'entraînements intenses doit être minimisée pour ne pas affecter les performances de l’athlète, surtout que la dépense énergétique est importante. Plus le temps et la qualité du sommeil sont faibles, plus les réserves en glycogène seront affectées et diminuées.
De plus, le manque de sommeil entraîne une baisse de la production d’hormones de croissance, réduisant la synthèse des protéines musculaires dégradées pendant l'entraînement. Ainsi, l’athlète est plus exposé à des risques de blessures à court et moyen terme (Anne Odru, 2019).
L'équilibre entre le sommeil et le maintien des défenses immunitaires est primordial pour l'athlète. Plusieurs auteurs ont montré que l'augmentation prolongée de la charge d'entraînement peut engendrer une baisse des défenses immunitaires.
L’état de surmenage peut être lié à l’équilibre du système nerveux entre les deux axes d’action :
- L’axe sympathique : Responsable de l’activation de l’organisme, il provoque une augmentation du débit cardiaque et ventilatoire, ainsi qu'une mobilisation de l'énergie pour l'effort physique.
- L’axe parasympathique : Favorise le repos et une baisse de l’activité du corps.
Lorsque le manque de sommeil est présent, cet équilibre peut être altéré, conduisant à une sensation de surmenage ou de surentraînement, même si le plan d'entraînement a été bien préparé.
Une étude menée par des chercheurs australiens a récemment montré qu’en période de stage, des nageurs de haut niveau dorment de moins en moins en raison d'heures de coucher tardives, malgré la programmation d'entraînements tôt le matin, nécessaire à l’accroissement de leur volume de travail quotidien. Si ce type d’aménagement peut s'avérer nécessaire pour atteindre la charge d'entraînement indispensable à un haut niveau de performance, il est crucial de s'assurer que le coucher est plus précoce et qu'une sieste est faite en début d'après-midi. Sinon, la capacité de récupération du sportif et son adaptation à la charge d'entraînement sont mises en danger (Esteves et al., 2009).
Enfin, le manque de sommeil affecte la clarté mentale et la motivation. Les tâches de la journée et les sessions d'entraînement paraissent indéniablement plus difficiles à accomplir lorsque l'organisme est fatigué.
Quelles solutions ? Sieste ou tisane du soir, sous-côtésNombreux sont les athlètes qui s'entraînent deux à trois fois par jour. Ces derniers font des siestes de 20 à 30 minutes afin de favoriser la récupération et mieux appréhender la seconde session. La sieste fait partie de la régulation du sommeil et aide également à bien dormir la nuit. Dormir moins de 6 heures peut entraîner des douleurs, voire des infections. L’heure la plus appropriée pour une sieste se situe entre 13h et 15h, période où l’attention cognitive est la moins efficace en raison de la phase de digestion. La sieste a des effets bénéfiques sur la vigilance, la performance et la capacité de récupération.
Plusieurs techniques peuvent être mises en place pour améliorer la qualité du sommeil (Biogaran, 2022) :
- Douche chaude : Une douche chaude peut favoriser l’endormissement en augmentant la température corporelle, permettant ensuite au corps de se réguler et de diminuer sa température naturellement avant le coucher.
- Repas léger : Prendre un repas pas trop copieux avant le coucher pour éviter la digestion difficile qui peut perturber le sommeil.
- Éviter les stimulants : Éviter l’alcool, la caféine et tous les excitants qui peuvent empêcher l'endormissement.
- Complémentation en mélatonine : La mélatonine est une hormone qui aide à l’endormissement. Prendre des suppléments peut aider à réguler le cycle du sommeil.
- Rituel au coucher : Avoir un rituel relaxant avant le coucher, comme boire une tisane aux plantes, peut sembler simple mais est efficace pour favoriser l’endormissement.
- Aliments riches en tryptophane : Consommer des aliments riches en tryptophane, tels que les légumineuses, les bananes, le chocolat noir, et les fruits à coque, peut favoriser l’endormissement car le tryptophane est un précurseur de la sérotonine, une hormone qui aide à réguler le sommeil.
Le sommeil joue un rôle crucial dans la régulation des hormones qui contrôlent l’appétit. Un manque de sommeil peut influencer le type et la fréquence des prises alimentaires selon l'individu. Les comportements alimentaires peuvent devenir plus irréguliers et moins adaptés aux besoins de l’organisme.
Cependant, certains aliments peuvent avoir un effet positif sur le sommeil grâce à leur contenu en micronutriments tels que le tryptophane, la sérotonine et la mélatonine. Ces composés aident à réguler le cycle du sommeil et à favoriser un endormissement de qualité. On peut les retrouver notamment dans les céréales, les légumineuses, le chocolat, les bananes, et la levure de bière (Van Reeth et al., 1994).
Tips : non, il n’est pas néfaste de manger des glucides le soir.
L’hydratation est essentielle pour tout organisme, et elle est particulièrement importante chez l’athlète en raison des importantes pertes d’eau par la sudation. Une erreur courante est de ne pas s’hydrater de manière continue tout au long de la journée et de concentrer l’hydratation en fin de journée, ce qui peut entraîner une hyperhydratation tardive. Ce phénomène peut altérer la qualité du sommeil, notamment par des réveils nocturnes fréquents.
Il est donc recommandé de boire régulièrement tout au long de la journée et de privilégier les boissons riches en électrolytes, comme le sodium, après l’exercice pour compenser efficacement la déshydratation sans pour autant se surhydrater en fin de journée.
Pour optimiser la qualité du sommeil et la récupération chez les athlètes, il est recommandé de suivre les stratégies suivantes :
- Planifier les entraînements très intenses avant 18h : Éviter les séances d’entraînement intenses en soirée pour permettre au corps de se détendre avant le coucher.
- Respecter des horaires de sommeil réguliers : Aller se coucher et se réveiller à des heures fixes chaque jour pour réguler l’horloge biologique.
- Faire des siestes si le sommeil n’a pas été suffisamment récupérateur : Pratiquer des siestes de 20-30 minutes, surtout en début d'après-midi, pour améliorer la vigilance et la performance.
- Respecter une bonne hygiène alimentaire et hydrique : Manger des repas équilibrés et s’hydrater régulièrement tout au long de la journée, en privilégiant les boissons riches en électrolytes post-exercice.
- Mettre en place une routine relaxante propice à l'endormissement : Éviter les écrans et la lumière bleue 1 à 2 heures avant le coucher. Inclure des activités relaxantes comme lire, prendre une douche chaude ou boire une tisane.
- Aménager la chambre pour bien dormir : Assurer une obscurité totale, utiliser une literie confortable, et maintenir la température de la chambre à un maximum de 19°C.
- Libération du stress pour favoriser l’endormissement
- Pratiquer des exercices de respiration, de méditation ou de mobilité pour réduire le stress avant de dormir.
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